Kaz Hawkins

Quand on découvre sa voix, on se retrouve immédiatement embarqué sur les rives du Mississippi, dans les rues de Clarksdale ou de Memphis, en compagnie de ces grandes chanteuses de blues, de soul, de folk, de funk, de rhythm’n’blues… qui ont débuté dans la ferveur des choeurs de gospel.  Pourtant Kaz Hawkins a vu le jour en Irlande du Nord et elle a fait ses classes dans les bars de Belfast où l’emmenait son père. Dans le chaos d’un pays déchiré par la ségrégation et la guerre civile.

Encore peu connue en France, Kaz a choisi de poser ses bagages chez nous. « Je suis tombée amoureuse de votre culture. Ici, je ne porte pas d’étiquette. Je suis libre d’entamer un nouveau chapitre”. Une déclaration d’amour réciproque quand on sait le chaleureux accueil que lui a réservé le public des festivals « Blues autour du Zinc », à Beauvais et « Cognac Blues Passions ».

Un nouveau chapitre qui commence… par un best of intitulé ” My Life and I », dont la sortie est annoncée le 8 avril prochain (et sous la forme d’un double vinyle fin mai) par le label Dixiefrog qui l’accompagne désormais.  Car, pour comprendre ces fêlures et cette émotion qui donnent à son chant une telle intensité, il faut remonter dans le temps. Celui où, petite fille,  elle écrivait des poésies en cachette pour tenter d’oublier la douleur d’une innocence bafouée. C’est aussi l’époque de son premier radio-crochet auquel elle participe en interprétant « Secret Love » de Doris Day. Impressionné le directeur artistique de l’émission l’oriente alors vers un autre répertoire: celui d’Etta James. Un conseil qui va bouleverser la vie de la fillette de 12 ans. En écoutant la cassette “Saint-Louis Blues“, rapportée du marché par sa grand-mère, Kaz range sa jolie robe en forme de meringue, ses partitions de « No, no Nanette » ou de « Tea for Two » pour se plonger dans cette musique qui la console.  « J’ai entendu son chagrin et je m’y suis retrouvée. Je voulais chanter comme elle, mais sans chercher à l’imiter » se souvient-t-elle. Un héritage symbolique qui l’amènera plus tard à adopter le nom de celle qui l’inspire depuis toujours (pour l’état civil Etta James était née Jamesetta Hawkins).

Viendront ensuite les concerts avec des reprises d’Etta mais aussi d’Aretha Franklin ou de Joe Cocker. Des années marquées également par la violence dont elle porte encore les cicatrices. « La musique était une sorte de refuge, comme un doudou ! Lorsque je chante je me sens en sécurité. C’est mon histoire qui a fait de moi l’artiste que je suis, mais ce n’est pas ce qui me définit » confie-t’elle.

Autodidacte Kaz Hawkins a commencé à jouer sur une guitare prêtée par des copains qui lui enseigneront quelques bases. Il n’en faut pas davantage pour qu’elle commence à écrire et composer ses propres chansons.

A l’image de cette artiste charismatique, forte d’une foi inaltérable,  « My Life and I » ouvre sur « Pray » “, un magnifique choeur gospel a cappella avec lequel on entre  quasiment en communion, tout comme  « Hallelujah Happy People » ou « Feeling’ Good », avant de confesser ses tourments dans « Lipstick & Cocaïne » ou le déchirant « Surviving ». Le timbre puissant aux accents rauques de Kaz sait aussi se faire plus tendre dans « Because You Love Me «  la sensible lettre d’amour d’une mère à sa fille quittant le foyer,  son « tube », enregistré en version piano-voix. Après l’énergique « Drink With The Devil », elle  nous emporte ensuite au gré des flots de « The River That Sings” avant de nous inviter à danser sur le rythme étourdissant de « Shake ».

Au total 17 titres dont elle a signé les textes et mélodies, sauf « Feeling’ Good » écrit par Anthony Newley et Leslie Bricusse, deux reprises d’Etta James : « Something’s Gotta Hold On Me » et « At Last » et une ébouriffante relecture de « Full Force Gale », de son compatriote Van Morrison. A ses côtés, on trouve le nom des musiciens complices de ses débuts:  le percussionniste David Jamison (qui a co-produit certains morceaux avec elle),  Sam York (claviers),  Michael McKinney (basse), Nick McKonkey et Stef Paglia (guitares) et Peter Uhrin (batterie)

Après 4 albums, 2 EP (maintenant introuvables), un live et une compilation, « My Life and I », distribué pour la première fois à l’international, apparaît comme un superbe trait d’union entre hier et aujourd’hui. Un pont franchi, le regard tourné vers ces  “jours meilleurs » qu’elle appelle  dans un grand éclat de rire.

En Irlande où elle anime une émission sur BBC Radio Ulster, on l’a parfois qualifiée de diva. Sans doute parce qu’elle ne ressemble à aucune autre.

Mais Kaz Hawkins est une artiste authentique, sans fard ni sophistication,  dont le timbre exceptionnel, les mots et  la musique touchent au plus près du coeur…

DISCOGRAPHIE